C’est la fête de la musique, mais je n’entends que le son du tiroir-caisse tinter pour les indélicats, les experts, pour les ministères et les actionnaires. Petite ou grande, leur escarcelle avale notre argent et quand il s’agit de le rendre, il a perdu sa valeur initiale. Quant à leur arracher ce que nous leur avons donné de confiance, assurance, avance et travail, il faut réclamer, patienter des semaines et des mois, pendant que ces gens importants règlent leurs affaires toujours plus lointaines, parfois entreposées dans les îles qu’on appelle des paradis.

Mécréants et libertaires, ni moi ni mon entourage irons au paradis, mais avec leurs plans d’enfer, nous connaissons bien la place que ces personnes de qualité supérieure nous réservent en bas de l’escalier, à la première marche, laquelle se dérobe sous nos pieds chaque matin. Mue par le mécanisme de leur grande machinerie qui transforme en somme négligeable la dépense de nos vies, elle nous envoie glisser plus près du gouffre, obsédant nos pensées sans cesse à tenir, le poing serré, pour la gagner, elle nous met à mal quand nous rognons les miettes du bien qui nous appartient. Faudrait-il remercier quand on nous les jette enfin sous prétexte de coûter cher pour être de plus en plus pauvre ?

Non.

Un rictus de colère à la bouche, j’écris avec rage un soliloque de pauvre à tous ces voleurs de temps qui ne reviendra plus. Moins que rien dans le cortège en marche à l’assaut des cieux d’or, il se peut qu’à nous multiplier de force au rebord étroit de l’enfer, leur escalier bascule.

 

Bandeau : « La libératrice » (1903) et  ci-dessus « La grève » (vers 1910) par Théophile-Alexandre Stenlein. Jehan-Rictus était son ami, il  illustra d’ailleurs Les soliloques du pauvre dont je m’inspire en partie, dans un registre de vocabulaire différent. Ma lecture vagabonde de Quand l’amour déraille m’a donné le ton pour le reste d’influence. Mais à la fin, je ne veux pas les charger du faix de mon labeur, car je porte seule mes pauvres mots comme mes maux de pauvre.

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