L’un de mes proches a souhaité transmettre l’initiative SOS Terre et Mer au sein de son entreprise, via les communications internes dans ce que l’on pourrait qualifier de forum professionnel « Vivre ensemble ». Récemment engagé, il s’est montré soucieux de respecter cet espace peu familier encore et, avant de poster son message, il a interrogé ses supérieurs, qui l’ont envoyé au leur. Ce dernier, intéressé pourtant, a réservé encore son accord pour le certifier qu’avec l’avis des responsables de la communication, car « C’est politique comme projet », à la surprise ahurie de mon proche qui lui a répondu « Mais pas du tout, ni politique ni religieux, il s’agit d’humanitaire ! »
Depuis, je suis plus attentive aux messages postés sur les réseaux sociaux, force est d’admettre que la criminalisation de l’altruisme a fait son chemin dans l’esprit de beaucoup — on se souviendra du ministre satisfait de déclarer que l’égoïsme individuel servait mieux les décisions iniques pour briser le contrat social que le programme gouvernemental.
J’aimerais savoir comment, alors que le sacrifice du gendarme héroïque soulève une polémique violente où on appelle au respect de l’ensemble des forces de l’ordre, militaire ou républicaine, sauver des hommes, des femmes, des enfants, de la noyade a perdu le respect des actions humanitaires pour devenir un geste politique.
Qu’ont-ils donc fait qui soit si répréhensible que le courage des gens qui les aident pour échapper à la mort, malgré les risques pénaux, malgré les dangers mortels dans les eaux internationales près de pays en guerre, malgré leurs interventions au cœur des conflits pour sauver des civils, des hommes, des femmes, des enfants, comme ma famille et moi ? Qu’ont-ils donc fait pour ne pas avoir droit au respect de leur humanité ? Qu’avons-nous fait pour que sauver les vies, les nôtres, les leurs, soit devenu une manœuvre politique à la place d’un geste de solidarité humaine ?
P.S. Vous penserez ce que vous voulez de mon exposition d’un détail de la photographie de Laurin Schmid, prise alors qu’elle avait embarqué sur l’Aquarius, bâtiment de SOS Méditerranée. Pour moi, ce moment fugitif représente ce qui a de meilleur dans l’humanité, quand au lieu de détruire, d’emprisonner, de s’enrichir, elle tente sans profit d’améliorer l’existence.