« Aujourd’hui à poil, demain au fond du trou ? »

Leo Dhayer, Lionel Evrard, l’Ours danseur en une somme ajoutée, écrit un texte indispensable à mes yeux de lectrice, d’auteure et pas seulement, de prolétaire itou. Oh oui, certains s’esclafferont, allons donc, prolo, moi ? Riez, riez… mais bien que je ne compte les petits pois que dans une nouvelle, dans la réalité sociale dégradée par nos gouvernements mon escarcelle est vide, comme est à plat celle d’une bonne partie d’entre nous, malgré notre travail horaire largement au-dessus des conventions pour alimenter la culture et les loisirs. Bien avant l’instauration du service civique, qu’on devrait renommer la servitude en marche, les auteurs ont expérimenté la détérioration organisée de l’emploi, la dévalorisation de leurs compétences, et même la réduction de leurs salaires et la remise en question de leur droit citoyen à disposer d’eux-mêmes, souvenez-vous de RElire…

Mais tout cela est bien dit, expliqué, clarifié dans le texte publié à l’Enseigne de l’ours danseur, mieux que je ne saurais le répéter inutilement. Par contre, après l’avoir partagé sur les réseaux sociaux, j’estime ne pas en avoir assez fait pour le propager durablement, voilà pourquoi je l’ajoute ici et vous encourage à lire son texte, maintenant :

« Aujourd’hui à poil, demain au fond du trou ? »

Et puis, ces mots m’ont rappelé d’autres moments, l’un en particulier, on comprendra pourquoi en parcourant la suite. Tiens, je ne sais pas si elle te réconfortera, Lionel-Leo-L’Ours, mais c’est de bon cœur que je t’offre la seule chanson que j’ai jamais écrite. Sans prétention.

Chant d’la pauvre gens

Un jour on naît tout étonné
la face à terre, le cul en l’air
dessus dessous et par derrière
l’joli conte nous pète au nez
du bel abri de chair et d’eau
on est maigri la peau sur l’dos

faut vous dire que j’étais né
pour goûter le fruit défendu
sans déglutir la langu’ fendue
pour rire comme les pendus
faute avouée oui j’ai peiné

Un jour on est tout étonné
de s’faire virer de ses terres
d’passer d’état propriétaire
à çui d’locataire bastonné
et l’on vocifère d’effroi
tout nu dehors à s’faire froid

faut vous dire que j’étais né
pour goûter le fruit défendu
sans déglutir la langu’ fendue
pour rire comme les pendus
faute avouée oui j’ai peiné

Un jour on est tout bétonné
dans une plaque funéraire
faut s’y faire à deux pieds sous terre
qu’à Lucifer est pardonné
notre court séjour en enfer
les os serrés dessous la pierre

faut vous dire que j’étais né
pour goûter le fruit défendu
sans déglutir la langu’ fendue
pour rire comme les pendus
faute avouée oui j’ai peiné

CODA
On peut le chanter au féminin
le fond du trou n’y change rien

Un jour on naît tout étonnée […]

J’ai écrit cette chanson il y a plusieurs années, j’étais énervée par l’injustice, le sort des bestioles et de l’humanité souffrante ou, peut-être bien, par les bagnoles de mon voisin. Quand je suis exaspérée, je gesticule et je craille des interjections sans queue ni tête en me frappant le front du plat de la main, comme une guenon. À la fin, parce que faire la primate est fatigant, j’écris des âneries pour me calmer ; logique, l’état animal incite aussi à la dissertation pensive d’un billet d’humeur. Bref, dans ma lancée, je publiai le résultat sur le réseau social pour continuer dans la déconnade hasbeen des contestataires seventies, personne ne sera étonné si je vous dis qu’à l’époque, ça l’a fait marrer, Yal, mon camarade disparu.
Car il faut vous l’avouer, je cultive la trace néandertale d’années préhistoriques, l’ego qui se frite et se confond encore avec son entourage sans souci du respect des âges, je manifeste au quotidien l’intérêt que je porte au présent, au futur. C’est bien pour ça que j’écris aujourd’hui, sinon, je fermerai ma bouche, tout a été dit et transcrit un jour ou l’autre depuis que l’écriture existe, mais c’est moi qui le dis à ma façon.
Je dédie ce texte aux enfants des 33 tours, des réunions dans les bistrots et de l’UNCAL (mais là, ça devient obscur !), quand nous n’avions aucune honte à généreusement nous friter et à confondre nos jeunes ego en dévorant la culture comme si elle était à nous.

« Aujourd’hui à poil, demain au fond du trou ? »

2 réactions à “Pigeon creuse, pavé vole

  1. Splendide ! M’est avis que te voilà condamnée à la chanter à Sèvres. Moi je regarderai la vidéo… 😀

    1. Seulement si je suis accompagnée par un orgue de barbarie. Faudrait peut-être que tu te mettes en quête de l’instrument. ^^

Répondre à Christine Luce Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.