Je n’épluche plus le réseau à la recherche d’éventuels retours de lecture pour m’éviter les bleus assénés par ceux que j’appelle les démolisseurs — on m’a aussi déconseillé de les lire : aisé à recommander, difficile d’obéir quand on est auteur ! Cependant, parmi les compliments merveilleux et les critiques intéressantes, les deux peuvent se confondre d’ailleurs en un retour constructif, une remarque me rend perplexe à propos de « mon style littéraire ». Dans les pires cas, il est ampoulé (entendez que je me la pète pour faire la prétentieuse : je n’ai pas plus d’estime pour cette lectrice) ou carrément ennuyeux parce qu’incompréhensible (là, je regrette, je ne peux rien pour celle-ci). On lui a reproché plus gentiment d’être trop bon pour que le roman le soit — une réflexion ambiguë sur laquelle je sèche —, et une personne, qui s’affirme 100 % littéraire, renchérit en déclarant qu’il dessert l’intrigue, car il oblige à lire avec attention.
Ce dernier retour joint une citation pour illustrer le problème :

Le temps s’écoula. Ni mouvement, ni bruit, pas même de la rue engourdie par les froideurs automnales, aucune crête ne hérissait ce flot égal et silencieux des minutes, elles se succédaient avec la lenteur des heures d’attentes.

Une disruption de l’harmonie torpide alerta la vigie.

Pour une fois qu’un morceau vif de ce style coupable m’était offert en pâture, j’ai tenté de lui ôter ce détestable penchant pour la littérature ampoulée, incompréhensible et ennuyeuse, afin de le rendre explicite. Bien sûr, l’effet d’immobilité liquide en mer plate (je n’ose pas parler de voyage encalminé) est perdu, mais je ne suis pas mécontente du résultat déshydraté.

Le temps passait. Il n’y avait ni mouvement ni bruit dans la pièce. Il n’en venait pas non plus de la rue déserte en cette froide période de l’automne. Aucun incident ne brisait le cours silencieux des minutes. Elles se suivaient lentement, comme dans le cabinet d’attente du médecin.

Une interruption dans l’enchaînement paresseux éveilla la guetteuse.

Mais ça ne va pas du tout, d’après moi. J’ai réfléchi à la critique, comme à toutes les autres, et j’ai envie d’exposer le fruit de ma réflexion à ce propos : je n’ai pas écrit Les papillons géomètres, avec « un style ». J’ai choisi de raconter une histoire, mon histoire, qui se déroule pendant une époque littéraire que j’aime beaucoup. J’ai tâché de l’évoquer à travers les personnages et un phénomène qui enflamma les imaginations avant la Grande Guerre, au travers aussi de la réalité sociale et de la manière de s’exprimer à la toute fin du XIXe siècle. Mon fameux « style » n’existe pas, ou en tout cas n’est pas fabriqué pour marquer de « ma patte » ce roman ; de la même manière que le reste, comme un outil littéraire, mon écriture a servi l’évocation littéraire.
Alors, autant je comprends que le lecteur n’aime pas le récit, n’y soit pas sensible, n’ait pas découvert le scénario espéré, ou n’ait pas vu ce que j’y ai placé, autant je réfute cette critique cautionnée tel un point de vue averti sur la littérature en général, et elle m’étonne. À moins de ne pas vouloir que la fantasy puisse être littéraire ? Ou pas trop ? Ou quoi ? Perplexe.

 

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