Note d’écriture #8 Le conditionnel des histoires

On dirait qu’on m’a proposé plusieurs projets de fiction, sûrs autant que peuvent l’être ceux qui seront imprimés. On dirait que la signification de ces objectifs promis à un avenir en papier aurait éclairé ma conscience. Et soudain, on dirait qu’il est possible d’arrêter de douter pour acquérir enfin une certaine confiance quand je me-vous raconte des histoires. Alors on dirait que laborieuse mais tenace, j’atteindrais cet équilibre étrange de l’exigence et du plaisir, de l’humilité et de la fierté, et sans plus afficher une assurance factice ou une crainte irraisonnée, j’écrirais cela parce que je l’ai vu ainsi, pas plus, pas moins, pour le mieux de mon histoire.

Hayat avait convaincu le petit garçon d’abandonner un instant son pantin pour se laver les mains. Sa précieuse poupée installée à l’abri des éclaboussures, Horty se savonnait avec application, jouant timidement avec les bulles irisées qu’il soufflait entre ses doigts arrondis. D’un linge humide, sa protectrice lui effleurait les joues, veloutées et parsemées de taches de son, aussi douces que la peau d’une pêche, dont elle ôtait avec délicatesse les sillons gris de poussière déposés par les larmes. Soudain, une porte-fenêtre claqua dans le couloir, suivi d’une cavalcade, les jumelles firent irruption dans le vestiaire en proie à une excitation plus expansive encore qu’à l’ordinaire. Identiques au cheveu près, les deux cyclones rebondis, blanc et rose, jacassaient dans leur langue gutturale et tournoyaient au centre de la pièce, déchaînant une cascade à chaque lavabo et des cataractes dans les cabinets. Un jet subit d’eau glacée jaillit du robinet qu’Horty et Hayat utilisaient et les aspergea. La respiration coupée, Hayat essaya de le couper sans y parvenir puis s’écarta pendant que le gamin paniqué se dissimulait derrière elle.

« Ça suffit ! »

La voix autoritaire cingla, couvrant la cacophonie liquide. Tous les robinets et chasses d’eau se tarirent instantanément. Les fillettes derviches s’étaient figées, collées l’une à l’autre comme des sœurs siamoises, leurs pupilles bleu pâle dilatées. Hayat leur lança un regard noir puis reporta son attention guère plus amène sur l’arrivante qui enjambait les flaques épandues sur le carrelage, le nez plissé par la contrariété.

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