Je crois que pour un texte publié, le lecteur seul peut éprouver un bonheur sans mélange et durable, qu’il partagera avec la légèreté de l’âme réjouie longtemps après avoir tourné la dernière page. L’écrivain n’a de joie que pendant qu’il écrit, parfois une extase à la fin, heureux d’avoir mené au jour ce qui bouillonnait en lui, car s’il partage, déjà le doute s’immisce dans l’attente de réactions, s’amplifie quand elles tardent, puis la critique ternit peu à peu sa plénitude, grignote la confiance en son goût, en ce talent qu’il espérait et qu’il voit s’effilocher.
Enfin, peut-être n’est-ce pas une généralité, mais seulement ma perception réduite ou faussée, égocentrique.
Toujours lectrice sans nuages dans son septième ciel, j’affronte difficilement mes suites de couches romanesques, peu combative, mal armée pour même défendre ce que j’écris quand j’essaie maladroitement de le faire, on m’a qualifiée de « perchée » et j’en ai gardé l’image que l’on attribue aux fous littéraires. J’en viens à me demander si pour échapper à cette implacable anxiété provoquée par l’œil public, je ne devrais pas m’écarter de toute velléité créative. Ou bien me reclure de cette société particulière qui lit et écrit, ne plus rien savoir — ce que l’on ne sait pas n’existe pas tout à fait — pour retrouver l’innocence de l’enfant qui joue avec les mots, libre de prendre son jeu trop à cœur, car il se suffit à lui-même pour le rendre heureux.
C’est dur d’acquérir la raison sociale de l’adulte.
Et puis aujourd’hui n’est pas un jour facile à naviguer en solitaire, un jour à soliloque.
« Perché », c’est un des plus beaux compliments auxquels j’ai eu le droit (avec « extra-terrestre »)…
Question à laquelle je travaille aussi, même si je suis moins confronté à la critique. Le plus dur est parfois de simplement trouver ses égaux perchés, qui se fichent royalement de savoir sur quelle branche est ce qu’on écrit (m’enfin facile à dire…)