L’évasion des Ève

L’évasion des Ève
— pendant la dormition de Marie

 

Nous étions des louves timides
à l’orée de l’aube engourdie
sortant de la réserve humide
où rien ne nous tenait pour dit
le sang parcourait nos échines
ruisselait le long de nos corps
il alimentait nos machines
nous avancions d’un pas encore

À l’assaut de nos lèvres closes
la sève enfiévrait nos joues rondes
fleurs écarlates qu’on dit roses
au jardin muré hors du monde
et vaste au-dessus de nos fronts
l’espace aiguisait nos désirs
auxquels la pâleur fait affront
quand le soleil on veut saisir

Nous étions des louves avides
à l’orée du temps vagabond
conjurant l’éden impavide
où les roses sont en bonbon
chair impropre à fondre au baiser
résistante à la meurtrissure
les sanglots du cœur apaisaient
l’amertume de nos blessures

De l’ombre des cloîtres fleuris
nos esprits drapés de vermeil
humaient la fière sauvagerie
de l’errance et de ses merveilles
l’incarnat sous nos doigts en rage
sculpta le masque ensanglanté
car nous renoncions sans visage
au parc du vieux manoir hanté

Nous étions des louves hardies
à l’orée du jour éphémère
et nous quittions le paradis
pour vivre libres nos chimères.

 

Bandeau : extrait d’une peinture de William Blake pour La divine comédie de Dante

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