L’esprit critique qui anime la revue Bifrost (Le Bélial) n’est plus à prouver, chacun sait qu’il a la dent dure pour croquer la peau tendre des apprentis auteurs comme des vétérans. Faut-il encore, pour qu’il l’accommode à la sauce relevée, que l’ogre (sic) repère le caillou… mais je mélange le scénario, et je ne suis pas le petit Poucet ! Imaginez simplement ma surprise joyeuse quand je pris connaissance de la critique publiée dans le numéro #86 en avril 2017. La notule est disponible en ligne ici, comme Les papillons géomètres le seront aux Rencontres de l’Imaginaire, le samedi 25 novembre 2017.

Les critiques de Bifrost

Au commencement est le style. Aimant à lecteurs noctambules, attirés par sa flamme hypnotique, s’y frottant, s’y lovant, s’y brûlant, et y retournant, sans cesse, subjugués par son rythme ondoyant. Ensuite vient l’histoire, se déroulant au crépuscule du XIXe siècle, dans une Angleterre bouleversée par la révolution industrielle, les grandes découvertes scientifiques, et témoin du déclin d’une ère et de l’émergence d’une modernité polymorphe. Au final, se présente un livre curieux sur les chemins de l’imaginaire.

Car même s’il peut être qualifié de fantasy spirite, le texte, plus complexe qu’il n’y paraît au premier frôlement, dissimule des méandres inattendus. Le scénario est simple, en apparence. Eve Blake, épouse adorée de son mari imprimeur a disparu, cinq ans plus tôt. Morte, probablement, puisqu’elle répond aux appels de Mary-Gaëtane Lafay, jeune médium talentueuse, qui réunit chaque année le couple séparé lors d’un court rendez-vous. Jusqu’au jour où seul le silence s’exprime. C’est le début d’une aventure extraordinaire pour Mary-Gaëtane, qui se lance à la poursuite de l’absente, évanouie dans les limbes d’une dimension parallèle fantomatique. À la croisée des mondes, elle rencontre l’Enquêteur, un être singulier, amnésique, marionnette de spectres omniscients plus puissants, qui, lui aussi, cherche à résoudre le mystère Blake. Tous deux vont errer dans une Londres noyée dans le fog, où les fleurs du mal fleurissent à foison, où la folie vous effleure de quelques battements d’ailes, et où la réalité iridescente est prompte à s’effacer. On y devine, dissimulées dans le brouillard, les ombres de Gérard de Nerval, Arthur Conan Doyle, Edgar Allan Poe, William Blake et tant d’autres. Les personnages sont peints avec une précision aussi lumineuse que floue, faisant écho aux coups de pinceaux de John William Water-house ou de Dante Gabriel Rossetti. Étincelles de vie dans un monde ou dans l’autre, ils entraînent le lecteur à leur suite et le perdent dans des tourbillons émotionnels, tels les papillons désorientés qu’ils sont, voltigeant dangereusement autour d’une frontière entre les dimensions, à la fois protégés et captifs d’un filet stylistique flamboyant. Aux derniers mots de ce voyage, une question : à quand la prochaine excursion ?

Maëlle ALAN

 

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