Journal intime des réseaux sociaux

— 15 mai

10:34
Le portail entrouvert comme une invitation à le franchir, la fenêtre de mon bureau béante, assise devant mon écran, la tête inclinée vers l’extérieur et l’oreille aux aguets des bruits dans la rue, je travaille, agitée de sursauts d’inquiétude : j’attends un paquet.

Hier, je l’ai raté.

12:01
Une vague odeur de fumée m’alarme, je me précipite à la fenêtre avec la crainte qu’un voisin aigri dans l’attente d’un colis se soit vengé sur les pneus du livreur, mais il s’agit d’un pneu orphelin qui brûle dans le jardin d’à côté.
Je consulte l’heure, il est midi, la journée sera longue pour l’employé et moi, le délai s’achève à 21:00.

12:13
À peine j’écrivais ces mots qu’un moteur grognait avant de s’arrêter à proximité. De nouveau haletante au-dessus du chéneau, je scrutais à travers l’amas vert pour entrapercevoir un véhicule de service postal, n’importe lequel.
Le vent pourrait se lever et le houx se remuer les branches, un peu de soutien ne serait pas superflu, je ne vois rien !
J’ai dévalé l’escalier, pas d’avis de passage dans la boîte à lettres.
Ouf !

13:20
Les guetteurs à temps partiel sont rentrés de leurs lycées respectifs, je prends ma pause tandis qu’ils endossent la lourde responsabilité de réceptionner, peut-être, le paquet.
Je croise les doigts d’une main pendant que j’enclenche de l’autre la touche « Musique à fond » pour échapper à la folie frénétique du serial-tondeur du quartier.

14:29
Intrépide, le livreur a pénétré dans la jungle, il l’a traversée pour déposer le paquet sur le seuil de notre séjour. La vaillante animale de garde, hélas percluse par les années, a aboyé un avertissement, mais l’homme du Pony-Express* avait déjà disparu, sans signature.

Demain, j’attends un autre colis.

 

*Le nom a été changé pour respecter l’anonymat du service en fuite.

Retranscription pour la mémoire collective d’un jour inoubliable…