Un souvenir de l’an dernier a réapparu sur le réseau, ce matin. L’un de ces dialogues aussi volatiles que précieux quand les protagonistes partagent une impression semblable sans que rien ne l’ait motivée, une simple rencontre pendant la promenade quotidienne. Ce matin, une année plus tard, mon ami Dominique Warfa termine une nouvelle et nous l’apprend, serein comme au sortir d’une bulle. La coïncidence est si belle qu’il me faut la garder en mémoire.

Je ris doucement, un peu hébétée. Comme lorsqu’on a voyagé, un long voyage, et que soudain, il s’achève. On est très heureux d’être arrivé à destination, mais comme engourdi, privé des secousses du moteur qui nous agitaient. Alors on regarde le paysage, le décor, les gens qui sourient, avec un décalage infime et suffisant cependant pour se sentir habillé par un nuage de coton. La terre est ferme à l’arrêt, mais le corps vacille, une légère ivresse interne en écho des vibrations de la route. La sensation va disparaître, en attendant, je ris doucement. C. L.

Lorsqu’on revient à Liège en train, venant de Bruxelles, le convoi descend un long plan incliné, de la gare d’Ans à celle des Guillemins. Entre le plateau et la vallée, il perd de l’altitude comme s’il s’apprêtait à atterrir, le tout dans de longs et bruyants appels de freins et de grands tremblements des voitures. Puis il se range le long d’un quai, on a cette impression qu’il va effacer toute la gare avant de stopper, et soudain c’est fini. Le train se fige, il soupire, il cliquète. Pour le voyageur qui, comme moi, doit alors quitter une lecture, cette subite immobilité peut sembler étrange, et le sentiment qui vous traverse s’apparente à une forme tempérée d’effroi. Extrait brutalement d’une bulle, on craint une perte. On doit s’ébrouer, un peu comme lorsqu’on termine un long travail, un peu comme lorsqu’on dépose un point final. On quitte la gare en se retournant vers le convoi, avec un petit sourire, comme s’il s’agissait d’un ami qu’on quitte, ou d’un manuscrit qu’il faut enfin laisser vivre. D. W.

Un jour, là, 22 juin 2016

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