Changement de cap sur ma boussole interne !
Je ne quitte pas le navire, mais révise mon parcours de croisière. Le temps me manque un peu plus chaque jour quand j’en ai besoin pour lire, écrire et vaquer à de nombreuses occupations payées ou non, prioritaires en tout cas. Pourtant, je suis incapable de vivre en recluse sociale, car je vous aime bien et prends toujours de vos nouvelles avec la meilleure attention choisie dans mon répertoire. Pas plus — pour ne pas vous jeter de la poudre aux yeux avec hypocrisie —, qu’avec le virus qui m’atteint comme tout écrivain, quelles que soient ses prouesses littéraires, il m’est impossible de ne pas diffuser mes œuvres périssables ; même si on peut regretter que je ne distribue pas plutôt des bonbons, c’est tellement bon.
Bref, le temps est venu de me replier dans ma cabine et de réduire la communication à l’essentiel, la bavarde prend le large, on se parlera en morse sur le réseau. Et puis je me suis créé une page égotiste, toute seule dans la barque (décidément, je me perds en mer !) que vous aimerez peut-être, que vous suivrez peut-être, que vous commenterez peut-être, et tant mieux, car je suis auteur, et sinon, tant pis, car je suis comme je suis.

Hier, j’annonçais ainsi mon intention de m’éloigner des réseaux sociaux, de Facebook, où je me suis inscrite un quinze octobre il y a bientôt cinq ans, et de Twitter qui ne me retiendra pas dans ses filets, je suis devenue un poisson rouge se défiant des bocaux, si larges soient-ils.
Pendant toutes ces années, j’y ai recherché le dialogue et, parfois, je l’ai établi avec des inconnus, mes amis aujourd’hui. Je ne tiens pas à rompre les liens fragiles qui nous réunissent sur la grande toile sous prétexte que le réseau représenterait le mal, ou je ne sais quelle perversité manichéenne. Non, c’est moi qui ne supporte plus l’effet de masse qu’il provoque, auquel je prête trop d’attention. Ou je me noie dans un verre d’eau, comme vous voudrez. Cependant, sans s’attarder à mes états d’âme, un fait tangible en résultait : je passais mon temps, de plus en plus malheureuse et pitoyable, à touiller — comme me le rappelle régulièrement un autre transfuge avec une patience d’ange… si, si, enfin, pas vraiment angélique, mais tout de même très patient, s’pas Leo (j’attends de pied ferme tes foudres!) — à touiller, donc, sur la misère du monde au lieu de fabriquer les petits riens à ma portée.

Bien… et alors, aujourd’hui ? Disons que j’ai envie de marquer le premier jour, car, soyez sans crainte, il n’est pas question de tenir le journal de bord quotidien de mes délires existentiels. Le temps s’est éclairci, voilà l’important. Soudain, les idées me fourmillent dans la tête et les doigts, j’ai commencé la nouvelle que je remettais sine die, prétextant tout et n’importe quoi, depuis le bouleversement climatique jusqu’à l’acharnement bruyant de mes voisins bricoleurs, pour expliquer ma vacuité totale.

« Déserte, la plaine s’étendait morne et bosselée, si loin à l’horizon que Galène plissa les yeux pour réduire en une ligne tremblante l’illusion de sa rotondité. Derrière elle, la respiration puissante de la foule silencieuse ahanait, son haleine lui brûlait le dos de milliards de miasmes […] »

Je ne sais pas ce qu’elle donnera, mais peut-être que Jean-Hugues Villacampa apprendra rassuré que j’y travaille avec joie pour honorer son invitation à ImaJn’ère.

Philip de László : « The Son of the Artist », 1918.

 

L’anecdote amusante, comme dans toute résolution ferme, demeure le détail collatéral qui bascule la réflexion longtemps mûrie en décision. Une remarque mesquine a suffi pour déclencher une scie mémorielle, et me voilà repartie ainsi qu’en 1975, voyageuse en solitaire que nul n’oblige à se taire* ; peut-être prisonnière immature de mes années soixante-dix, mais libre encore un peu, au troisième millénaire, de me moquer éperdument de la popularité que certains recherchent avec tant de mépris pour ceux qui les entourent. Finalement, ni compliquée ni complexe, je poursuis la joie d’exister en écrivant tellement plus gratifiante que de courir après la gloire… Wait ! N’allez quand même pas vous imaginer que j’enfile une tunique brodée pour aller sillonner les chemins de terre en martyrisant un tambourin ; et d’ailleurs, je vogue en mer.

* Bien que ce soit superflu, je crois, de le préciser pour ma génération,  © Gérard Manset.

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