Il faut le temps de s’adapter à Mallworld. S’y téléporter par la transmat, débouler par les tubes de néant dans un monde de merveilles. Des étages et des étages, des niveaux et des niveaux, des flots serpentins de monde qui se déversent dans les cab-transmat, des enseignes holo braillardes et flamboyantes, des petits bonshommes roses qui vous assiègent en vous hurlant des slogans dans les oreilles, des corridors qui gravivarient et tirebouchonnent comme des beignets fantaisie, des glissoirs qui limaçonnent et serpentent à côté de vous, des autoplaceurs qui vous tendent des pilules de Lévitol gratuites, des robots fournisseurs de confiseries, de spécialités sexuelles, d’encyclopédies et de jouets en peluche… vous voyez le tableau
— Mallworld Graffiti, Somtow Sucharitkul, 1981.
Mallworld, monde capturé sous cloche, interdit d’espace extérieur, tague son territoire afin qu’il brille dans le noir.
Malgré toute ma volonté pour m’éclairer sous les illuminations de ce monde, le mien, je ne m’adapte pas au tableau. Là, je reste le rat dans les murs et cligne des yeux, effarée. Chaque incursion m’aveugle et me conduit au retour à m’enfoncer davantage à l’intérieur de canalisations secrètes, pour oublier l’espace clos recouvert de graffiti publicitaires et d’affiches de pacotille, pour dévoiler dans ma réclusion la fenêtre ouverte sur le houx vert, ses feuilles vierges de messages doctrinaires et ses baies rouges que les oiseaux picorent.