En fouillant mes innombrables dossiers plein à craquer d’images (heureusement virtuels, vu le bazar), j’ai retrouvé la photo que j’avais baptisée La rue de La Frique, l’aimable préquelle annonçait une aventure que vous connaissez peut-être sous le titre de Charlotte Caillou contre les Zénaïdes. L’éditeur Robert Darvel se rappelle ce jour brûlant de l’été avant le terrible orage, quand nous prenions ensemble le frais dans la venelle sous les ombrelles multicolores du linge étendu entre les derniers étages.

***

Quelques secondes ne se sont pas écoulées qu’une troupe joyeuse sortie de je-ne-sais-où m’assaille. Trois petites dont les yeux brillent dans le visage malpropre, tout noirci de fumée. Elles se sont fardées avec un bouchon brûlé !
« Lottie ! Lottie ! Tu vas aux cerises, Lottie ?
– Laissez-la, petites cochonnes ! Qu’avez-vous fait encore comme sottises ? gronde une voix tombée du ciel.
– On joue à la Frique de Bambou, Man’Nana ! Et le trocodile qui mange les enfants.
– Misère ! Depuis que cette mouflette sait parler la langue, Bambou vous fourre des histoires de sauvages dans la tête. Tant pis pour vous, linottes, si le trocodile vous dévore, nous aurons plus de cerises. Tant pis pour vous !
– Lottie, oh Lottie, y nous mangera pas, le trocodile ?… et tu nous garderas des cerises, Lottie ? »
La plus jeune en pleurs balbutie, elle a trois ans tout au plus, et son chagrin violent trace deux rigoles claires sur ses joues rebondies. Les deux autres, maigrelettes, un peu plus âgées, sont atterrées, elles contemplent tour à tour la figure courroucée de Man’Nana, penchée à sa fenêtre, et la mienne qui doit surtout refléter la stupéfaction.

—  extrait de l’histoire qu’on peut lire en entier en se la procurant chez l’éditeur, ici : Le Carnoplaste.

 

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