…Mais c’est bon.
Une bibliographie des essais de votre servante, nécessairement courte, car elle recensera exclusivement les ouvrages publiés auxquels j’eus le plaisir de participer, des livres imprimés sur du papier que l’on feuillette d’un doigt humide de convoitise — bien que certains soient désormais disponibles en version numérique. Bien sûr, si l’étrange idée vous passait par la tête de dresser une liste de tous mes articles, écrits soit sous mon nom, soit sous le pseudonyme « Cirroco Jones », j’imagine qu’elle s’étirerait plus impressionnante… mais qui aurait une idée si baroque et fastidieuse ? Certainement pas moi ! Malgré sa brièveté, ma bibliographie professionnelle s’étalera, nécessairement longue, car, alors que je l’élabore, les livres qui la constituent empilés à côté de moi pour les consulter, chacun d’entre eux me raconte sa petite histoire et bâtit un pan de la mienne : voyez, cachée sous les pavés des volumes, la page de biographie !
Space Opera ! L’imaginaire spatial avant 1977, dir. André-François Ruaud & Vivian Amalric, Les Moutons électriques, 2009.

Première et timide incursion en compagnie de mon ami André-François Ruaud, la plume principale de notre duo, pour une visite chez le Docteur Who, le dandy spatio-temporel, suivie de l’émotion d’apparaître dans un « vrai livre ». Mais il faut le dire, l’importance personnelle que j’accorde à cet article dépasse de loin la taille minuscule de ma participation réelle. Par contre, Space Opera ! est le commencement d’une autre implication dans les coulisses de choses écrites et publiées, puisqu’avec cet essai, je démarrais mes activités de lectrice, relectrice, pourvoyeuse et bricoleuse de documents illustrés et de photos pour les Moutons électriques. Peu après, je devins aussi la cible des facéties d’André-François, dont je dénonce l’humour impassible ici et aujourd’hui, comme lorsqu’il ajouta, en omettant soigneusement de m’en parler, des légendes à certains clichés, notés « Collection Luce-Debaque » — et riait de son fameux rire long et sadique d’éditeur quand je les découvrais, stupéfaite, en feuilletant les ouvrages qu’il m’expédiait. Mais recentrons-nous sur le livre, car Space Opera ! conserve tout son intérêt depuis qu’il est paru en volume papier, et reparu sous la forme de publication numérique en décembre 2016. La genèse d’un genre historique de la science-fiction, marqué de façon indélébile par la sortie cinématographique de Star Wars, continue d’accrocher l’actualité médiatique.

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Paris, une physionomie, dir. Alexandre Mare, Les Moutons électriques, 2013.

Deux articles pour lesquels j’ai exsudé tour à tour enthousiasme et angoisse. L’un, car à l’époque il n’existait que des informations éparpillées à son sujet, l’autre, au contraire, parce qu’il était bien connu d’éminents spécialistes. Et puis, je ne suis pas une Parisienne, mais bel et bien provinciale jusqu’au mouchoir à carreaux étendu sur mon panier en osier, le parapluie gigantesque coincé sous mon bras. Plus sérieusement, dans les deux cas, à l’attention forcenée de les écrire de manière « psychogéographique », le style sollicité par mon éditeur pour charmer de leur balade flâneuse nos futurs lecteurs de docu-fictions, s’ajoutait l’acharnement à vérifier chaque détail afin de ne pas dire de bêtises historiques.

Le premier article m’a passionnée : 1856, Le musée d’anatomie du docteur Pierre Spitzner & 1900 (avec un fac-similé de son catalogue en 1895). Sans renseignements sur l’étonnant docteur Spitzner — l’entrée découverte à l’instant dans Wikipédia date de 2015 —, je possédais essentiellement un catalogue tardif de son musée ambulant et une carte postale, laquelle j’avais achetée pour me représenter la réalité des établissements de foire quand ils sillonnaient les pays — peut-être celui de Spitzner, la légende n’est pas claire, mais la baraque reste semblable. Pendant mes recherches, j’ai appris avec joie qu’une fascination analogue à la mienne étreignait Paul Delvaux¹ et Italo Calvino. Arrêt sur image et intermède avec une anecdote : je dois à cet auteur d’avoir traduit mes premiers mots étrangers, par-dessus le marché, de l’italien que je déchiffre à grand-peine, pour le simple motif que le texte original, Il Museo dei Mostri di Cera, 1994, est accessible à la lecture et au droit de citation, mais que sa traduction française ne l’est pas ; fin de la digression. Peu à peu, une bribe ajoutée à la précédente, j’ai construit mon article.
¹ Note : je vous propose de lire un très bel article à propos du peintre : Paul Delvaux dévoilé, par Laura Neve, pour Koregos en 2014. Outre la référence à son inspiration née de ses visites au musée d’anatomie de Spitzner, les amateurs d’anticipation apprendront l’influence qu’exerça Jules Verne sur ses peintures.

L’article suivant était consacré à Albert Robida. J’étais littéralement épouvantée de me mesurer aux érudits bien plus efficients que moi, simple admiratrice. Je l’ai rédigé sur l’insistance de mon commanditaire. Il avait bien entendu raison : impensable de publier une promenade littéraire dans Paris sans parler de cette brillante personnalité qui lui consacra une grande partie de sa créativité, la main à la plume et au crayon, et même à la truelle du maçon quand il inventa ce projet démentiel de « Vieux Paris ».

Dans les profondeurs de ma bibliothèque étaient rangés une jolie présentation des œuvres du célèbre artiste, dont Lucien Puech brossait un alerte portrait, et un guide à cinq sous, tout illustré, que Robida lui-même avait concocté pour visiter sa reconstitution : je tenais mon incursion dans son monde, Albert Robida à l’Exposition universelle de 1900. Je m’enchantai alors à relater la folie de cette manifestation en me plongeant dans les plans proposés, parfois jamais réalisés (comme je regrette l’échec du globe d’Élisée Reclus !), et les attractions fabuleuses — le palais de la fée électricité, le trottoir roulant de l’avenir, etc. — qui accompagnaient ce délirant Paris à travers les âges de Robida.

Après la parution de Paris, une physionomie, bel ouvrage bourré de textes intéressants comme vous pourrez en juger aux signatures du sommaire, je guettais avec anxiété les retours de lecture et, avec eux, la volée de bois vert qui fustigerait mes âneries. La bastonnade ne s’abattit pas, le livre fut bien accueilli. J’eus même la joie stupéfaite d’être distinguée pour mes deux textes, d’abord dans la chronique des Coups de cœur de Jean-Luc Rivera — je ne le connaissais pas encore, mais je sais, aujourd’hui, qu’il est un Parisien aimant sa capitale —, puis par un courrier, suivi d’un billet, de Jean-Claude Viche, président fondateur des Amis de Robida, excusez du peu. J’y puisais un peu plus de confiance en moi et l’encouragement pour recommencer dès l’année suivante…
(À suivre)