Depuis un mois, les travaux dans ma rue ébranlent la maison, les murs tremblent au passage de véhicules trop larges et trop lourds, les chocs aussi brutaux qu’inattendus résonnent dans la toiture et l’ossature entière s’effriterait que je ne m’en étonnerais pas. Depuis hier, de huit à seize heures, une bétonnière lancine, jamais un écart, jamais une pause, le vacarme de son moulin. Elle se tait à l’instant, et au lieu de me réjouir du silence enfin, j’appréhende le lendemain, à bout de souffle après toutes mes courses, en dépit du bruit, du manque de sommeil, des nouvelles planétaires, de la pandémie, contre le temps, bien sûr. Il faut que je cesse de courir, de me précipiter au devant des projets comme au devant des ennuis, avec la conviction qu’un moyen existe de porter les uns et d’éradiquer les autres dans la même lancée. Et puis de fuir, en même temps, trop de chagrin qui a débordé soudain d’une marmite déjà pleine d’inquiétudes au quotidien. Pourtant, comme le conseillait ce fou de Maïakovski, je m’efforce de lui arracher chaque jour, à ce brouet, la joie avant qu’elle soit recuite et diluée dans le temps fini, écoulé, terminé.

 

Anonyme, Le Ballet de la délivrance de Renaud par Guédron. Armide parmi les démons sous la forme d’escargots, de tortues et de crevettes, 1617

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